Hebdo’ des arrêts (5-16 déc. 2016)

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Hebdo’ des arrêts (5-16 déc. 2016)

Ceci est une sélection des arrêts rendus par la Cour.

CJUE, 8 déc. 2016, Verein für Konsumenteninformation, C-127/15

[Crédit aux consommateurs – Accords de rééchelonnement – Délais de paiement sans frais – Agence de recouvrement – Intermédiaire de crédit – Obligation d’information précontractuelle]

Les agences de recouvrement de créances proposent aux débiteurs, au nom des créanciers, de conclure des accords de rééchelonnement de dette octroyant des délais de paiement. Il était demandé à la Cour d’analyser cette pratique au regard de la directive 2008/48 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

La Cour juge tout d’abord que la directive s’applique à de tels accords. D’une part, doivent être considérés comme des « contrats de crédit » des accords sur des délais de paiement ou des modes de remboursement entre le prêteur et le consommateur lorsque ce dernier est déjà en situation de défaut de paiement pour le contrat de crédit initial. D’autre part, de tels accords, en ce qu’ils prévoient l’obligation pour un consommateur de payer les frais d’une agence de recouvrement de créances qui n’étaient pas prévus par le contrat initial de crédit, ne sauraient être couverts par l’exclusion visant les délais de paiement consenti « sans frais », quand bien même ces montants ne dépasseraient pas ceux qui seraient exigibles en l’absence d’accord entre les parties compte tenu du retard de paiement.

La Cour considère ensuite qu’une agence de recouvrement qui conclut de tels accord au nom du prêteur doit être considérée comme un « intermédiaire de crédit », mais n’est pas soumise à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur imposée par la directive dans la mesure où elle n’agit en cette qualité qu’à titre accessoire au regard de l’objet principal de son activité. Il est néanmoins précisé, que le prêteur est, pour sa part, toujours tenu de veiller à ce que le consommateur reçoive lesdites informations.


CJUE, 8 déc. 2016, Stock ’94, C-208/15

[TVA – Coopération intégrée agricole – Octroi d’un financement pour livraison des actifs nécessaires à la production agricole – Prestation unique]

Dans le système de « coopération intégrée » agricole hongrois, un société commerciale (« intégrateur ») conclut un contrat avec un agriculteur (« sujet intégré ») lui octroyant un prêt que ce dernier utilise pour acheter auprès de l’intégrateur des biens nécessaires à la production agricole (semences). Le sujet intégré vend ensuite sa production à l’intégrateur ou sur le marché par l’intermédiaire de ce dernier.

La Cour examine ces opérations au regard de la directive 2006/112 relative au système commun de TVA. Elle considère que l’opération par laquelle l’intégrateur livre des biens à l’agriculteur et lui octroie un prêt destiné uniquement à l’achat de ces biens constitue une « opération complexe unique », dans laquelle la livraison des biens est la prestation principale. Ainsi la base d’imposition de cette opération est constituée par le tarif des biens auquel s’ajoute les intérêts payés sur le prêt. Le fait que l’intégrateur puisse fournir aux agriculteurs d’autres services ou puisse acheter leur production agricole est sans incidence sur cette qualification.


CJUE, 8 déc. 2016, A et B, C-453/15

[TVA – Lieu de la prestation de services – Transfert de quotas d’émission de gaz à effet de sert]

Dans une affaire de fraude à la TVA sur des échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, les conseillers fiscaux d’une société impliquée étaient poursuivis pour complicité. A cet égard, il est apparu nécessaire de déterminer si le lieu de la prestation consistant dans le transfert de quotas se trouvait auprès du prestataire de services ou du preneur. Or la directive 2006/112 relative au système commun de TVA précise que le lieu de prestation de services est le l’endroit où le preneur a établi son siège pour les cessions de droits de propriété intellectuelle et les « autres droits similaires ».

La Cour juge que ces « autres droits similaires » comprennent les quotas d’émission de gaz à effet de serre. En effet, ces quotas présentent des similitudes avec les droits de propriété intellectuelle (immatérialité, exclusivité du détenteur, cessibilité, inscription dans un registre) et une telle inclusion répond à la logique selon laquelle l’imposition s’effectue là où les biens et services sont consommés, ce qui correspond, en principe, au lieu où l’acquéreur exerce son activité économique.


CJUE, 8 déc. 2016, Eurosaneamientos e.a., C-532/15 et C-538/15

[Réglementation des tarifs des avoués – Article 101 TFUE]

En Espagne, les honoraires des avoués sont réglementés par un décret qui établit un tarif ne pouvant être majoré ou minoré que de 12% et dont juridictions nationales vérifient la stricte application sans être en mesure, dans des situations exceptionnelles de déroger aux limites fixées.

La Cour considère que l’article 101 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, ne s’oppose pas à une telle réglementation car l’EM ne lui a « pas retiré son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’interventions d’intérêt économique » : l’Espagne n’a délégué aux associations professionnelles des avoués ni le pouvoir d’élaboration de cette législation ni sa mise en œuvre. En outre, il n’apparaît pas que l’Espagne ait imposé ou favoriser la conclusions d’ententes contraires à l’article 101 TFUE ou d’abus de position dominante contraires à l’article 102 TFUE.

La Cour fait application de la récente clarification apportée par l’arrêt Ullens de Schooten (C-268/15) en retenant son incompétence à répondre aux questions portant sur les dispositions relatives à la libre prestation de services car les juridictions de renvoi n’ont fourni aucun élément de rattachement entre ces litiges purement internes et lesdites dispositions. La Cour se considère également incompétente pour répondre aux questions portant sur la Charte dans la mesure où l’objet des litiges ne s’inscrit pas dans le contexte du droit de l’Union.


CJUE, 8 déc. 2016, Undis Servizi, C-553/15

[Marchés publics de service – Attribution « in house » – Conditions – Entité réalisant l’essentiel de son activité pour les pouvoirs adjudicateurs qui la détienne]

La Cour a reconnu une exception à l’application des règles européennes relatives aux procédures de marchés public pour les attributions « in house » lorsque, d’une part, le pouvoir adjudicateur exerce sur l’entité attributaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et, d’autre part, cette entité réalise l’essentiel de ses activités au profit du ou des pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent, ses éventuelles activités exercées pour des tiers devant demeurer marginales.

La Cour précise ici que, afin de déterminer si cette seconde condition est remplie, doivent être considérées comme exercée pour des tiers les activités imposées à l’entité adjudicataire par une autorité publique, qui n’y est pas associée, en faveur de collectivités territoriales qui n’y sont pas non plus associées et n’exercent aucun contrôle sur elle.

A cette même fin, les activités que l’entité adjudicataire a réalisé pour les collectivités territoriales qui exercent sur elle, de manière conjointe un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services, avant que ledit contrôle ne soit devenu effectif peuvent être prises en considération.


CJUE, 14 déc. 2016, Connexxion Taxi Services, C-171/15

[Marché public – Directive 2004/18 – Causes d’exclusion facultatives du soumissionnaire – Faute grave en matière professionnelle – Réglementation nationale prévoyant un examen au cas par cas en application du principe de proportionnalité – Conditions de l’appel d’offre prévoyant une exclusion automatique]

Dans le litige au principal, était en cause la possibilité pour le pouvoir adjudicateur, en application du principe de proportionnalité, de ne pas exclure un candidat à un marché public ayant commis une faute grave, alors que les conditions de l’appel d’offre prévoyaient l’exclusion automatique d’un tel candidat.

La directive 2004/18 relative à la coordination des procédures de passation des marchés énonçant seulement la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de retenir certaines causes d’exclusion et laissant aux États membres le soin d’en définir les modalités, la Cour considère qu’elle ne s’oppose pas à ce que qu’une réglementation nationale oblige un pouvoir adjudicateur à examiner, en application du principe de proportionnalité, s’il y a effectivement lieu de procéder à l’exclusion d’un candidat à un marché public qui a commis une faute professionnelle grave.

Cependant, la Cour juge que, en vertu du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence, le pouvoir adjudicateur doit strictement observer les critères qu’il a lui-même fixés dans les conditions d’appel d’offre du marché public. Dès lors, si celles-ci prévoient qu’un soumissionnaire ayant commis une faute professionnelle grave doit être nécessairement exclu sans prendre en compte le caractère proportionné ou non de la sanction, le pouvoir adjudicateur ne saurait décider d’attribuer quand même le marché à un tel soumissionnaire au motif que son exclusion aurait été contraire au principe de proportionnalité.


CJUE, 14 déc. 2016, Baragança Linares Verruga e.a., C-238/15

[Liberté de circulation des personnes – Droits des travailleurs – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Bourse d’étude – Condition pour les étudiants non-résidents dont les parents travaillent au Luxembourg – Discrimination indirecte – Objectif légitime – Proportionnalité]

Le Luxembourg octroie une aide financière pour études supérieures indépendamment du lieu où elles sont réalisées aux résidents luxembourgeois, qu’ils soient ressortissants luxembourgeois ou d’un autre Etat membre. Suite à l’arrêt Giersch (C-20/12), la législation luxembourgeoise a été contrainte d’ouvrir l’octroi de cette bourse aux enfants des travailleurs transfrontaliers. Cependant, elle exige alors que le parent ait travaillé au Luxembourg pendant une durée ininterrompue d’au moins 5 ans au moment de la demande de l’aide.

La Cour considère qu’une telle aide constituant un avantage social, au sens de l’article 7 §2 du règlement 492/2011, dont les travailleurs ressortissants d’un autre EM doivent bénéficier de la même façon que les nationaux, une distinction fondée sur la résidence constitue une discrimination indirecte sur la base de la nationalité. L’objectif du gouvernement luxembourgeois d’encourager l’augmentation de la proportion des résidents titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur est considéré comme un légitime. Par ailleurs la condition d’une durée de travail minimale et ininterrompue au Luxembourg du parent travailleur frontalier est de nature à établir un lien de rattachement suffisant avec la société luxembourgeoise, et donc une probabilité raisonnable de retour de l’étudiant au Luxembourg après l’achèvement de ses études. Cependant la Cour juge qu’une telle condition est disproportionnée notamment dans la mesure où elle ne permet pas, comme dans la situation en cause dans le litige au principal, l’octroi de l’aide lorsque les parents ont travaillé au Luxembourg pendant une durée significative malgré quelques interruptions.

La modification de la législation luxembourgeoise en 2014, remplaçant la durée de travail ininterrompue de 5 ans par une durée de travail d’au moins 5 ans sur une période de 7 ans avant la date de la demande d’octroi de l’aide, semble déjà s’inscrire dans la logique de l’arrêt que la Cour vient de rendre.


CJUE, 15 déc. 2016, Depesme et Kerrou, C-401/15 à C-403/15

[Liberté de circulation des personnes – Droits des travailleurs – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Bourse d’étude – Notion d’«enfant » – Enfant du conjoint]

Toujours s’agissant de l’octroi de la bourse d’étude par le Luxembourg, se posait également la question de savoir si l’« enfant » d’une personne travaillant au Luxembourg mais n’y résidant pas devait être entendu comme couvrant uniquement l’enfant ayant un lien de filiation avec le travailleur ou également l’enfant du conjoint dudit travailleur.

La Cour de justice s’appuie sur la directive 2004/38 qui définit les « membres de la famille » du citoyen de l’Union comme comprenant ses « descendants directs âgés de moins de vingt et un ans ou à charge, ainsi que les descendants directs du conjoint ou du partenaire », et considère que la même définition doit être retenue s’agissant des membres de la famille du travailleur transfrontalier susceptibles de bénéficier de l’égalité de traitement en vertu du règlement 492/11. Ainsi les enfants du conjoint ou du partenaire d’un travailleur frontalier peuvent être considérés comme les enfants de ce dernier en vue de pouvoir bénéficier d’un avantage social tel qu’une bourse d’étude, pour autant que celui-ci pourvoit à leur entretien. La Cour précise que cette dernière exigence résulte d’une situation de fait, qu’il convient à l’administration et aux juridictions nationales d’apprécier au regard d’éléments objectifs (ex : domicile commun), sans qu’il soit nécessaire de déterminer les raisons de cette contribution ni d’en chiffrer l’ampleur.


CJUE, 14 déc. 2016, SV Capital / AB,  C-577/15 P

[Autorité bancaire européenne – Décision rejetant une demande d’ouverture d’une enquête – Décision de la commission de recours – Recours en annulation – Incompétence de la commission de recours soulevée d’office – Expiration du délai de recours s’agissant de la décision de l’ABE – Erreur excusable]

A l’origine de ce litige, on trouve une décision de l’Autorité bancaire européenne (ABE) rejetant une demande d’ouverture d’une enquête à l’encontre des autorités de surveillance du secteur financier estonienne et finlandaise. L’auteur de cette demande, SV Capital, a formé un recours contre cette décision devant la commission de recours des autorités européennes de surveillance qui, bien que l’ayant jugé recevable, l’a ensuite rejeté au fond.

Le demandeur a ensuite formé un recours en annulation devant le Tribunal contre, d’une part, la décision de l’ABE et, d’autre part, celle de la commission de recours. Dans son arrêt, le Tribunal rejeté comme irrecevable le recours visant la décision de l’ABE pour expiration du délai de forclusion. Il a annulé la décision de la commission de recours en soulevant d’office l’incompétence de cette commission à connaitre du recours administratif contre la décision de l’ABE, et donc, sans examiner le bien-fondé des moyens soulevés par le requérant.

Dans son pourvoi, le requérant soutient principalement que le Tribunal a statué ultra petita en soulevant d’office l’incompétence de la commission de recours et à titre subsidiaire, que le Tribunal aurait dû jugé recevable le recours en annulation visant la décision de l’ABE, le dépassement du délai de forclusion représentant, dans de telles circonstances, une erreur excusable.

La Cour rejette ici l’ensemble du pourvoi.

S’agissant de la décision de la commission de recours, la Cour juge que le Tribunal n’a pas statué ultra petita car le juge de l’Union a l’obligation d’examiner d’office la question de la compétence de l’autorité dont l’acte est attaqué devant lui, une éventuelle incompétence constituant un moyen d’ordre public. Elle considère par ailleurs que le Tribunal a conclu à bon droit à l’incompétence de la commission de recours, les décisions de l’ABE contre lesquelles elle est susceptible de connaître les recours étant limitées par le règlement 1093/2010 instituant l’ABE.

S’agissant de l’irrecevabilité du recours en annulation visant la décision de l’ABE, la Cour rejette l’argument du requérant selon lequel l’introduction d’un recours devant la commission de recours aurait eu une incidence sur le calcul du délai de recours relatif à la décision prise précédemment par l’ABE. Elle considère ensuite que ni l’omission de l’ABE à soulever une objection de compétence de la commission de recours pour statuer sur sa décision, ni la conclusion erronée de cette dernière selon laquelle elle disposait d’une telle compétence ne saurait être qualifié de « comportement de nature à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable » et donc une « erreur excusable » justifiant que le Tribunal  déroge à l’application du délai de procédure.

Cette affaire est une nouvelle illustration des difficultés posées par l’articulation entre les recours administratifs devant les instances de recours des agences et les voies de droit devant la CJUE.


CJUE, 15 déc. 2016, Nemec, C-256/15

[Directive 2000/35 – Lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales – Notion d’ « entreprise » – Notion de « transaction commerciale » – Plafonnement du montant des intérêts de retard]

La Cour retient qu’une personne physique titulaire d’une autorisation d’exercice d’une activité en tant qu’artisan indépendant doit être considérée comme une « entreprise » au sens de la directive 2000/35 relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. La transaction qu’elle a conclu doit être considérée comme une « transaction commerciale » si, bien que ne se rapportant pas à l’activité visée par l’autorisation », elle s’inscrit dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante structurée et stable.

Par ailleurs, la Cour juge que, dans la mesure où cette directive n’encadre pas les règles relatives à la période pendant laquelle courent les intérêts de retard ou au montant maximal de ces intérêts, elle ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale plafonne le montant des intérêts de retard à celui du principal. En effet, une telle mesure n’apparaît pas remettre en cause l’objectif de protection des créanciers contre les retards de paiement poursuivi par la directive.


CJUE, 15 déc. 2016, Nationale Loterij, C-667-15

[Directive 2005/29 – Pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs – Système de promotion pyramidale – Lien financier indirect]

La directive 2005/29 interdit les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Son annexe précise que sont déloyaux en toutes circonstances les « système de promotion pyramidale dans lequel un consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie provenant essentiellement de l’entrée d’autres consommateurs dans le système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits ».

La Cour considère que la qualification de « système de promotion pyramidale » est susceptible de s’appliquer même s’il n’existe qu’un lien financier indirect entre les participations versées par de nouveaux adhérant à un tel système et les contreparties perçues par les adhérents en place.

 

 

 

 

 

 

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