Hebdo des arrêts (28 nov. – 2 déc. 2016)

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Hebdo des arrêts (28 nov. – 2 déc. 2016)

CJUE, 30 nov. 2016, Commission / France et Orange, C-486/15 P

[Aides d’État – Offre d’avance d’actionnaire – Déclarations publiques des représentants de l’État français – Critère de l’investisseur privé avisé]

Face aux difficultés financières générées par la dette de France Télécom, dont l’État français était actionnaire, le ministre de l’Économie a fait une série de déclarations à partir de juillet 2002 visant à assurer le soutien financier de l’État, puis, en décembre 2002, l’État a fait une offre d’avance de crédit à France Télécom, sans que celle-ci ne soit jamais ni acceptée ni exécutée.

La Commission a considéré que cette offre d’avance d’actionnaire, placée dans le contexte des déclarations l’ayant précédée, constituait une aide d’État incompatible avec le droit de l’Union.

En 2010, le Tribunal avait annulé cette décision au motif qu’il n’y avait pas eu d’engagement des « ressources d’État » malgré l’avantage financier conféré à France Télécom. Sur pourvoi de Bouygues et de la Commission, la Cour annulé en 2013 l’arrêt du Tribunal et a statué définitivement sur le fait qu’il y avait bien eu un avantage impliquant l’engagement de ressources d’État, dans la mesure où le budget de l’État avait été potentiellement grevé.

Sur renvoi aux fins d’examen des autres moyens d’annulation, le Tribunal a annulé une seconde fois en 2015 la décision de la Commission en raison de la mauvaise application du critère de l’investisseur privé avisé, la Commission ayant apprécié le critère de l’investisseur avisé en juillet 2002, date des déclarations, et non en décembre 2002, date à laquelle la mesure qualifiée d’aide d’État, c’est à dire l’offre d’avance, a été prise.

Dans le présent arrêt, la Cour rejette le pourvoi de la Commission et confirme définitivement l’annulation par le Tribunal de la décision la Commission.  Tout d’abord, la Cour considère que le Tribunal n’a pas dépassé les limites de son contrôle juridictionnel, se limitant à examiner l’appréciation par la Commission des éléments de preuves sur lesquels elle s’était fondé pour appliquer le critère de l’investisseur avisé dans une économie de marché. Ensuite, la Commission n’a pas prouvé que le Tribunal aurait dénaturé sa décision où les éléments de preuve. Enfin la Cour écarte l’argumentation de la Commission selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur de droit en annulant la décision litigieuse au motif que le critère de l’investisseur privé aurait dû être appliqué en décembre 2002 et non en juillet 2002. En effet, comme l’a constaté à bon droit le Tribunal, l’engagement ferme de la France à soutenir financièrement France Télécom n’a été pris que lors de l’annonce de l’offre d’avance en décembre 2002.


CJUE, 1 déc. 2016, Daouidi, C-395/15

[Interdiction des discriminations fondée sur le handicap – Existence d’un « handicap » – Incapacité « durable » – Licenciement d’un travailleur en situation d’incapacité temporaire de travail – Charte des droits fondamentaux de l’UE]

Un salarié, qui s’était retrouvé en incapacité temporaire de travail pour une durée indéterminée à la suite à un accident du travail, conteste le licenciement disciplinaire dont il a fait l’objet en arguant notamment qu’il s’agit d’une discrimination fondée sur le handicap. La juridiction de renvoi interroge dès lors la Cour pour savoir si un tel état relève de la notion de « handicap » au sens de la directive 2000/78 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

Rappelant la définition du « handicap » établie par la Convention de l’ONU dédiée, la Cour insiste sur le fait que la limitation des capacités de la personne doit être « durable ». Elle considère dès lors que le fait que la personne se trouve en situation d’« incapacité temporaire de travail », au sens du droit national, pour une durée indéterminée, ne permet pas en, lui-même, de qualifier la limitation de ses capacités de « durable », une telle appréciation revêtant une nature avant tout factuelle.  Pour vérifier le « caractère » durable de l’incapacité, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des éléments objectifs dont elle dispose (examens et expertises médicales) afin de rechercher, parmi les indices permettant de considérer qu’une telle limitation est « durable », si, à la date du fait prétendument discriminatoire, l’incapacité ne présente pas une perspective bien délimitée quant à son achèvement à court terme ou si cette incapacité est susceptible de se prolonger significativement avant le rétablissement de la personne.

La Cour refuse par ailleurs de répondre aux questions portant sur l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux, car, au stade actuel de la procédure au principal, dans la mesure où l’applicabilité de la directive 2000/78 dépendra de la vérification par juridiction de renvoi de l’existence d’un « handicap » à la suite de la présente décision préjudicielle, il n’est pas encore établi que la situation en cause entre dans le champ d’application du droit de l’Union. Une telle solution, si elle apparaît rigoureuse sur le plan de la technique procédurale, peut être critiquée du point de vue de la bonne administration de la justice, la juridiction de renvoi étant, le cas échéant,  susceptible de devoir introduire de nouveau une demande de décision préjudicielle posant les mêmes questions relatives à la Charte.


CJUE, 1er déc. 2016, Klement / EUIPO,  C-642/15 P

[Marque de l’UE – Demande de déchéance d’une marque – Usage sérieux de la marque – Altération du caractère distinctif – Défaut de motivation]

logo_bj_ofen_schwarzDans ce litige, Klement a présenté devant l’EUIPO une demande de déchéance pour non usage de la marque tridimensionnelle ayant la forme d’un poêle enregistré par la société Bullerjan. L’EUIPO a rejeté cette demande de déchéance au motif que cette marque avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union au cours de la période de référence. Cette décision a été confirmée par le Tribunal, considérant, en application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a) du règlement 2007/2009, que s’il y avait eu un usage de la marque une forme différente de celle sous laquelle elle avait été enregistrée (apposition de la mention « Bullerjan » sur la marque tridimensionnelle), ces différences n’altéraient pas son caractère distinctif

Dans le cadre du pourvoi formé par Klement, la Cour annulé la décision du Tribunal pour contradiction de motifs et erreur de droit quant à l’interprétation de cette disposition car la motivation de l’arrêt attaqué ne fait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal sur un point déterminant aux fins d’établir les conditions d’application de cette disposition. En effet, d’un côté, le Tribunal avait constaté que des poêles de forme très semblable à la marque tridimensionnelle en cause étaient commercialisés par d’autres fabricants. D’un autre côté, le Tribunal avait retenu que la marque en cause présentait un caractère distinctif élevé au seul motif que sa forme présente un caractère inhabituel.

A défaut pour le litige d’être en état d’être jugé, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.


CJUE, 1er décembre 2016, Commission / Luxembourg, C-152/16

[Manquement d’État – Registre électronique national des entreprises de transport sur route]

La Cour condamne le Luxembourg pour ne pas avoir établi de registre électronique national des entreprises de transport par route conforme et interconnecté avec les registres des autres EM conformément au règlement 1071/2009 relatif à la profession de transporteur par route.

À noter la vaine tentative du Luxembourg de demander à la Cour de suspendre la procédure en attendant que la Commission se désiste dans la mesure où la mise en service dudit registre ne saurait tarder. Or la Cour répond que la renonciation au recours en manquement relève de la compétence exclusive de la Commission, et que la Cour ne saurait statuer sur une telle demande, rappelant par ailleurs qu’elle apprécie l’existence d’un manquement à la date au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

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