Hebdo’ des arrêts (14-18 nov. 2016)

Hebdo’ des arrêts (14-18 nov. 2016)

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CJUE (grande chambre), 15 novembre 2016, Salaberria Sorondo, C-258/15

[Égalite de traitement en matière d’emploi et de travail – Discrimination fondée sur l’âge – Recrutement des agents de police du pays basque]

Le concours de recrutement des agents de police du Pays basque espagnol, qui cumulent des fonctions relevant tant de la police locale que de la police d’État, exclut les candidats âgés de plus de 35 ans.

Au regard de la directive 2000/78 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la Cour considère que cette différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination interdite dans la mesure où le fait de posséder des capacités physiques particulières afin de pouvoir remplir les missions de ce corps de police (protection des personnes et des biens, garantir les libertés, assurer la sécurité) constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour l’exercice des  fonctions opérationnelles et exécutives lui incombant. La Cour retient en outre que, compte tenu du vieillissement de ce corps de police, son bon fonctionnement requiert le remplacement des agents les plus âgés par le recrutement de personnes plus jeunes afin de maintenir une certaine structure des âges.


CJUE (grande chambre), 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C-268/15

[Responsabilité extracontractuelle d’un EM pour violation du droit de l’Union – Libertés de circulation – Situation purement interne]

Les différents volets pénaux, civils, fiscaux et administratifs de l’affaire belge du laboratoire d’analyse médicale Biorim ont déjà été l’occasion d’une tournée de toutes les cours suprêmes envisageables (CJUE, CEDH, Conseil d’État, Cour de cassation, Cour constitutionnelle) et ont conduit notamment à la condamnation de M. Ullens de Schooten pour l’exploitation illégale d’un laboratoire en raison de la violation de l’arrêté royal prévoyant qu’un laboratoire de biologie clinique ne peut être exploité que par une personne habilité (médecin, pharmacien, chimiste). Celui-ci demande désormais l’indemnisation par l’État belge des préjudices qu’il a subi du fait des diverses condamnations en soutenant que  l’arrêté sur lequel elles s’appuient serait contraire à la liberté d’établissement et à la libre prestation de service. Par son renvoi préjudiciel, la juridiction belge s’interroge notamment sur la possibilité d’engager la responsabilité extracontractuelle d’un Etat membre pour les dommages causés du fait d’une violation du droit de l’Union le litige s’inscrit dans une situation purement interne.

La Cour retient tout d’abord que, bien que le litige au principal concerne une situation purement interne, elle est compétente pour statuer sur la demande de décision préjudicielle dans la mesure où l’interprétation sollicitée porte avant tout sur l’interprétation du principe de responsabilité extracontractuelle des EM (et non sur les libertés de circulation en tant que tel).

S’interrogeant ensuite sur le point de savoir si les dispositions de droit de l’Union relatives aux libertés de circulation  confèrent en l’espèce des droits à M. Ullens de Schooten, la Cour rappelle que les libertés de circulation ne s’appliquent pas dans les situations purement internes mais que leur interprétation peut être nécessaire à la solution du litige au principal lorsque celui-ci présente un élément de rattachement avec ces dispositions, notamment :

  • lorsque la réglementation nationale en cause, ou son annulation suite à l’arrêt la Cour, est susceptible d’avoir des effets sur des situations transnationales ;
  • lorsque la réglementation nationale interdit les discriminations à rebours, permettant d’invoquer dans une situation purement interne les droits tirés du droit de l’Union ;
  • lorsque la réglementation nationale étend le champ d’application des dispositions du droit de l’Union à une situations purement interne.

La Cour précise qu’il revient à la juridiction de renvoi d’indiquer en quoi un litige, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul EM, présente un élément de rattachement avec les dispositions relatives aux libertés de circulation.

Finalement, la Cour conclut que la responsabilité extracontractuelle d’un EM pour le dommage causé par la violation du droit de l’Union ne s’applique pas dans le litige au principal car les dispositions des traités relatives à liberté d’établissement et à la libre prestation de service  ne confèrent pas de droits à M. Ullens de Schooten dans la mesure où le litige porte sur une situation purement interne,  sans qu’il ne ressorte de la décision de renvoi que la réglementation belge interdise les discriminations à rebours ou qu’elle ait étendu l’application de ces dispositions du droit de l’Union aux situations purement internes


CJUE, 16 novembre 2016, DHL Express (Autria), , C-2/15

[Services postaux – Obligation des opérateurs de contribuer aux couts de fonctionnement de l’autorité réglementaire du secteur – Étendue]

La Cour de justice interprète la directive 97/67, relative au développement du marché intérieur des services postaux, comme ne s’opposant pas à ce qu’une réglementation nationale impose une obligation de contribuer au financement de l’autorité réglementaire en charge du secteur postal à l’ensemble des prestataires de ce secteur, et pas seulement à ceux qui fournissent des services postaux relevant du service universel.


CJUE, 16 novembre 2016, Soulier et Doke, C-301/15

[Directive « droits d’auteurs et droits voisins » – Droits de reproduction et de communication au public – Droits confiés à une société de gestion collective pour les libres indisponibles –  Consentement des auteurs – Droit de mettre fin à l’exploitation]

La Cour met un coup d’arrêt au dispositif français ReLIRE (https://relire.bnf.fr), qui confie à une société agréée, chargée de la perception et de la répartition des droits d’auteurs, l’exercice du droit d’autoriser la reproduction et la communication au public sous forme numérique, de « livres indisponibles », c’est à dire publiés avant le 1er janvier 2001 et qui ne sont plus diffusés ni publiés sous forme imprimée ou numérique. Les auteurs ou ayant droits de ces livres ne pouvaient s’y opposer ou mettre fin à cette exploitation que dans certaines conditions.

La Cour rappelle que la directive 2001/29 sur le droit d’auteur confère aux auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs œuvres ainsi que leur communication au public. La Cour retient ensuite que toute opération de reproduction ou de communication au public d’une œuvre par un tiers requiert le consentement préalable de son auteur, consentement pouvant être implicite si l’auteur a été effectivement informé de la future utilisation de son œuvre par un tiers et des moyens par lesquelles il peut s’y opposer.

Ainsi, d’une part, la Cour juge que le droit d’opposition conféré par la directive à l’auteur s’oppose à la réglementation française car celle-ci ne prévoit pas une d’information effective et individualisée des auteurs sur l’utilisation de leur œuvre, la simple absence d’opposition de leur part dans un délai de 6 mois suivant l’inscription de leur œuvre au registre des « livres indisponibles » ne pouvant être analysée comme un consentement implicite.

D’autre part, la Cour précise que le droit de mettre fin à l’exploitation de son œuvre sous forme numérique conféré par la directive à l’auteur doit pouvoir être exercé, sans devoir dépendre, de la volonté concordante d’une autre personne autorisée à procéder à une telle exploitation, et sans être soumis à aucune formalité. Dès lors, la Cour juge que la directive s’oppose à la réglementation française qui exige que l’auteur voulant mettre fin pour l’avenir à l’exploitation commerciale de son œuvre sous forme numérique doive agir soit d‘un commun accord avec l’éditeur de l’œuvre sous forme imprimée, soit seul mais à la condition de rapporter la preuve qu’il est le seul titulaire des droits sur l’œuvre.


CJUE, 16 novembre 2016, Hemming, C-316/15

[Directive « services » – Procédure d’autorisation – Charge en pouvant découler pour le demandeur]

A Westminster, pour demander l’octroi ou le renouvellement d’une licence d’exploitation d’un sexshop, il fallait s’acquitter d’une redevance cumulant 3 455€ pour le traitement administratif de la demande (non remboursable en cas de refus) et 34 225€ pour la gestion et la police du régime de licence (remboursable en cas de refus). Or la directive 2006/123 relative aux services prévoit que, en cas de régime d’autorisation d’exercice d’une activité de service, les charges pouvant en découler pour les demandeurs ne peuvent pas dépasser le cout des procédures d’autorisation.

La Cour considère que la directive s’oppose à l’exigence de paiement, au moment de l’introduction d’une telle demande, d’une redevance dont une partie correspondant aux couts liés à la gestion et à la police du régime d’autorisation, même si cette partie est récupérable en cas de rejet de la demande : ces coûts ne relèvent pas des « couts des procédures » et leur préfinancement va à l’encontre de l’objectif de la directive qui est de faciliter l’accès aux activités de services.


CJUE, 16 novembre 2016, Schmidt, C-417/15

[Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Compétence exclusive en matière de droits réels immobiliers – Compétence spéciale en matière contractuelle – Action en annulation d’une donation d’un immeuble et radiation du registre foncier]

La juridiction de renvoi demandait l’interprétation du règlement 1215/12 concernant la compétence judiciaire en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis).

La Cour considère qu’une action en annulation d’un acte de donation d’un immeuble en raison de l’incapacité de contracter du donateur ne relève pas de la compétence exclusive de la juridiction de l’EM où l’immeuble est situé en matière de droits réels immobiliers. Cependant, cette juridiction peut s’appuyer sur la compétence spéciale en tant que juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.

En revanche, l’action en radiation du registre foncier des mentions relatives au droit de propriété du donataire relève quant à elle bien de la compétence exclusive de la juridiction de l’EM où l’immeuble est situé.


CJUE, 17 novembre 2016, Betriebstrat der Ruhrlandklinik, C-216/15

[Directive « Travail intérimaire » – Champ d’application – Notions de « travailleur » et d’« activité économique » – Personnel soignant non titulaire d’un contrat de travail mis à disposition d’un établissement de santé par une association] 

Dans le litige au principal, des infirmières, adhérentes à une association à but non lucratif mais non liées à elle par un contrat de travail, sont mises à disposition d’établissements de santé en contrepartie d’une indemnisation financière qui leur est versée par ladite association.

La Cour considère qu’une telle situation relève du champ d’application de la directive 2008/104 relative au travail intérimaire dès lors que les personnes mise à dispositions sont des « travailleurs » et que l’entreprise de travail intérimaire (ici l’association) exerce une « activité économique ». Or, d’une part, la Cour précise qu’est un « travailleur » au sens de cette directive, toute personne qui effectue une prestation de travail (prestation, lien de subordination, rémunération), et qui est protégée à ce titre dans l’État membre concerné, et ce quelles que soient la qualification juridique de sa relation de travail en droit national, la nature du lien juridique qui lie ces deux personnes et la forme de cette relation. Elle laisse à la juridiction de renvoi le soin vérifier si les infirmières concernées répondent bien à cette définition. D’autre part, la Cour considère que l’association en cause exerce une activité économique dans la mesure où elle offre des services sur le marché de la mise à disposition de personnel soignant en contrepartie d’une indemnisation, sans que son caractère non lucratif ou son statut d’association puisse remettre en cause cette qualification.


CJUE, 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt, C-348/15

[Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement – Directive 85/337 – Champ d’application – Notion d’ »acte législatif national spécifique » – Autorisation définitive]

La législation allemande prévoit que doit être considéré comme légalement autorisé un projet qui a fait l’objet d’une décision d’autorisation prise en violation de l’obligation d’évaluation de ses incidences sur l’environnement mais qui n’est plus susceptible d’être visée par un recours en annulation.

La Cour de justice juge que de tels projets ne sauraient être considéré comme exclus du champ d’application de la directive 85/337 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement en tant qu’ils relèveraient de l’exception visant les projets adoptés en détail par un acte législatif national spécifique. Au-delà, si le droit de l’Union ne s’oppose pas, en principe, à la fixation par les EM d’un délai de recours de trois ans pour contester une autorisation de projet adoptée en violation des obligations prévues par la directive, l’expiration de ce délai ne saurait conduire à considérer ledit projet comme légalement autorisé, de sorte que toute action en réparation de la violation de l’obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement serait également empêchée.

 

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